"Propos d'avant et d'après...". Préface de Paul Chemetov.

Dès leur apparition, les grands ensembles s'imposent en France par leur insularité dans les paysages urbains comme par leur irréductible singularité forgée par les représentations. Mais cette apparente évidence se défait dès que l'on tente de les caractériser : c'est un concept flou, qui fluctue selon les auteurs et les situations. Pour sortir de cette ambiguïté, il est éclairant d'aller voir ailleurs. C'est ce que fait ce livre qui confronte les analyses de géographes, d'historiens, d'architectes, de politologue pour envisager les grands ensembles français dans une dimension comparative. Il s'agit, à partir de présentations nationales, d'étudier la pertinence de l'objet " grands ensembles ", ainsi que ses temporalités et ses objectifs. Isoler les grands ensembles dans l'étalement de la métropolisation généralisée a-t-il un sens ? Ou bien sont-ils uniquement identifiés à partir des fantasmes contemporains et des politiques qui les accompagnent ? A-t-on affaire à une spécificité française ou bien à la diffusion de modèles, de conceptions et de politiques ? Loin de constituer une exception française, les grands ensembles, incarnation d'un mouvement moderne aux horizons mondiaux, s'inscrivent dans une intense circulation d'idées, de politiques et de personnes. Les grands ensembles n'ont pas pour autant été des objets standards, voyageant sans se modifier : situations nationales et aires culturelles leur ont offert des destins très variés, dès la formulation de leur projet. Ce fleuron de l'urbanisme " moderne " a été greffé sur des sociétés très diverses, l'adoptant et l'adaptant, en le transformant parfois radicalement. A un moment où l'emporte en France le choix de détruire les grands ensembles perçus comme les plus dégradés, les expériences étrangères ne peuvent certes pas fournir de recettes. En revanche, elles peuvent aider à mieux comprendre les choix faits, en replaçant dans une perspective internationale un moment circonscrit de l'aménagement urbain.