Préface de Paul Chemetov.
En deux jours de septembre 1944, Le Havre est entré dans l'histoire des villes détruites et reconstruites. Les bombes ont accompli sur tout le centre ce que le mouvement hygiéniste des années 1930 avait seulement envisagé, la tabula rasa pour une recomposition radicale de la ville basse des origines, devenue insalubre. Au-delà du drame, des morts et des sinistrés, la ville est entrée dans une soudaine modernité, celle d'un urbanisme rationnel, d'un habitat collectif normalisé, qui allait partout s'épanouir dans les périphéries mais s'exerça ici au coeur de la société locale. La Reconstruction a été mouvementée, une scène publique très réactive a souvent infléchi la fabrique des projets de Perret et de son équipe, et la pleine acceptation n'est venue que très lentement. Le Havre a mis vingt ans pour voir disparaître l'habitat temporaire dispersé dans la ville en train de renaître et, pour ce faire, l'habitat social a pris le relais de la Reconstruction. Les derniers sinistrés ont rejoint en 1965 les ensembles sociaux de la ville haute qui se constituait, nouvelle partition socio-spatiale accomplie pendant les "Trente Glorieuses". Dans cette ville élargie, cette agglomération bientôt péri-urbaine, s'est alors re-posée la question du centre. Celui-ci, éclaté, a glissé à l'est du centre reconstruit jusqu'aux anciens bassins portuaires. Le paysage conçu par Perret posait quelques symboles, l'église Saint-Joseph, l'hôtel de ville, mais la centralité cherche d'autres vecteurs. En ceci, Le Havre a rejoint les problématiques de toutes les villes et dispose encore de beaux territoires de projet, si le développement économique porte la croissance. En tout cas, dans cette ville portuaire, industrielle et balnéaire, encore en quête de visibilité, de positionnement territorial fort, le centre reconstruit est devenu une part, indubitablement moderne, de l'identité havraise.